Je suis désolée, 2023
« Je suis désolée » marque la troisième période de la recherche artistique de Sylvie Valem. Dans cette série, l'artiste choisit de tourner l'objectif vers elle-même, transformant le monde environnant en un espace de réflexion sur l'existence.
Le projet « Je suis désolée » aborde la thématique de la maladie non seulement comme une expérience personnelle, mais surtout comme un moyen d'explorer des questions universelles sur la condition humaine. La photographie devient ici un miroir de l'intime, tout en ouvrant une voie de dialogue avec l'autre.
En focalisant son exploration sur le corps, considéré comme la plus tangible des manifestations de l'existence, Sylvie Valem transcende les conventions classiques pour inventer une écriture visuelle singulière. Son approche, empreinte d'une profonde sensibilité, invite à une réflexion sur la fragilité et la résilience, sur le visible et l'invisible, tout en restant ouverte à l'interprétation de chacun.
Loin de se limiter à un témoignage individuel, cette série propose une méditation universelle sur la présence, le passage du temps, et la façon dont nous habitons nos corps. Par son expérimentation audacieuse, l'artiste crée des œuvres qui, tout en étant profondément personnelles, touchent à l'essence de ce que signifie exister dans un monde partagé.
Je suis, poème écrit par l'artiste à l'issue de ce chapitre, en 2023.
J’avance, de la vase, oui de la vase.
Je m’enlise, je suis aspirée, je m’enterre.
Quelle est cette lutte, pourquoi combattre, contre qui ?
Quel esprit me trahit ?
Mes jambes sont engluées dans une mare visqueuse, bouillonnante,
Chaque pas est une ombre pesante, un naufrage, un vain sursaut,
Et pourtant je vais.
Je m’écorche, j’arrache ma cuirasse
À l’intérieur, tout est mou, visqueux, en décomposition.
ET pourtant je suis.
Si je touche du doigt… Si je m’enfonce… Si ma main…
Si ça me happe… Si ça me recouvre.
Et pourtant
Je veux penser, je veux agir, je veux être.
Je suis immobile, je suis paralysée,
Je respire encore.
Je suis.
Une pluie chaude tombe sur moi, ce sont des larmes ruisselantes comme des traînées de sang.
Leur chaleur m’éveille, la douceur arrive, vient des profondeurs, se faufile telle une caresse, puis, s’atténue, se retire, s’évapore.
Et pourtant je veux.
Je ressens les sons étouffés de mon cœur, ils chuchotent, se traînent, se dissipent, s’atténuent, deviennent sourds et s’éteignent.
Laisse-moi écouter,
Laisse-moi errer, laisse-moi aller, laisse-moi divaguer,
Laisse-moi respirer.
J’espère.
Des êtres fantomatiques s’approchent, m’entourent, m’enserrent, près, trop près. Je suis étreinte, asphyxiée.
Écartez-vous, je m’éteins.
Tu profères des "Jamais," des "Toujours."
Je ressens des injonctions, des impossibles, des sentences.
Seule ma mort donnera réalité à ces verdicts.
Je suis entravée,
Non, je lutte.
Écoute, écoute-moi. Je murmure.
Entends mon faible souffle.
Je vis, j’ai survécu, la douleur est passée.
Attends-moi. Reste.
Come please. Ne viens pas, s’il te plaît.
Laissez-moi seule dans mon marasme.
Je me laisse aller doucement.
J’entends dans mon corps des sons étouffés.
Je vis.
J’ai peur de me briser, ma tête sans repos tourne, se retourne et sombre.
Je suis dans une tornade, une voix intérieure me martèle : "Tu n’as aucun pouvoir. Tu n’es rien, arrête."
Ça enfle, ça cogne, ça résonne.
Je hurle.
Je suis incapable de voir, incapable de sentir.
Mes sens sont morts, atrophiés.
Je m’égare mais je suis.
Je bois, je m'engloutis dans l'eau,
Pour me purifier jusqu’à me noyer.
En moi, tout est mou et visqueux, en décomposition.
Et pourtant, je suis.
Je veux vivre une apnée éternelle,
Dormir, dormir, dormir...
Un sang noir glisse dans mes veines, peine à progresser, mes rivières sont épuisées.
Et pourtant, je suis.
Je dessine un sourire sur mon visage tel un Joker.
La nuit est longue et le jour inexistant.
Et pourtant, j’existe.
Et si la brume, et si le soir, et si la nuit.
Et si j’étais.